Egalité et Réconciliation
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Yahvé est un volcan d’Arabie : Moïse, le mont Horeb et les Madianites

Introduction

Le yahvisme (l’hébraïsme ancien, si l’on préfère) est né au mont Horeb ou mont Sinaï : c’est là que Yahvé se manifesta à Moïse pour lui ordonner d’aller secourir ses frères opprimés en Égypte ; c’est là que Moïse les reconduisit à travers la mer Rouge ; et c’est de là que, deux ans plus tard, sur ordre de Yahvé à nouveau, il repartit avec eux à la conquête de Canaan.

Problème : l’emplacement communément admis du mont Horeb se trouve en Égypte, et se trouvait déjà à l’époque de Moïse sous le contrôle des Égyptiens, qu’étaient censés fuir les Israélites (et, auparavant, Moïse lui-même lors de sa fuite solitaire). L’archéologie confirme que les Égyptiens exploitaient des mines de cuivre et de cobalt dans cette zone qu’on nomme aujourd’hui la Péninsule du Sinaï [1].

Le problème est aisément résolu : le mont Horeb de la Bible se trouve en Arabie, et non pas en Égypte où l’a placé la tradition chrétienne. C’est une affaire entendue depuis plus d’un siècle, aux yeux des savants qui se sont penchés sur la question. Et pour une raison très simple : c’est dans le « Pays de Madian » que le Livre de l’Exode place le Sinaï et le mont Horeb. Or Madian, de l’avis unanime, est situé au nord du Hedjaz, sur la rive est du Golfe d’Akaba (extrémité nord-orientale de la mer Rouge). Même saint Paul savait que « le mont Sinaï est en Arabie » (Ga 4,25). Pourquoi l’Église a-t-elle, sous Constantin probablement, opté pour la localisation égyptienne, incompatible avec les données bibliques ? Ce n’est pas l’objet de cet article.

Notre but est simplement de présenter ce qu’il est convenu d’appeler l’« l’hypothèse madianite », selon laquelle la révélation mosaïque est descendue du ciel (ou sortie de la terre) en Arabie, parmi des peuples essentiellement nomades dont certaines tribus pratiquaient, outre l’élevage pastoral, un grand commerce caravanier très lucratif. Les indices se trouvent principalement dans la Bible hébraïque elle-même, mais l’origine arabe des Hébreux a été également défendue sur des bases linguistiques et épigraphiques. L’hypothèse, formulée il y a un siècle et demi [2], est aujourd’hui corroborée par l’archéologie, comme l’a montré récemment Thomas Römer dans ses cours au Collège de France, accessibles en ligne [3]. En outre, et ce n’est pas négligeable, elle est cohérente avec des traditions islamiques dont la valeur historique n’est plus dénigrée.

Plus important encore, elle permet d’expliquer la nature très particulière du monothéisme exclusif hébraïque, et certains atavismes judaïques. En effet, les religions fonctionnent un peu comme des codes génétiques sur le plan culturel : elles préservent dans une civilisation, sur des milliers d’années, des traits apparus au moment de leur genèse, dans un contexte tout autre.

 

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Une carte révisionniste de la route de l’Exode, indiquant notamment le seul passage de la mer Rouge jugé techniquement traversable par les Hébreux : le détroit de Tiran, à l’embouchure du golfe d’Akaba.

 

La montagne qui tremble, qui gronde et qui fume

Le chapitre 2 du Livre de l’Exode raconte comment Moïse, recherché pour le meurtre d’un Égyptien par les autorités égyptiennes, « s’enfuit loin de Pharaon ; il se rendit au pays de Madian » (Ex 2,15). Il fut recueilli par un prêtre ou sacrificateur (kohen) madianite, qui lui donna par la suite l’une de ses filles en mariage. C’est en gardant le troupeau de son beau-père que Moïse se retrouva un jour au mont Horeb : « Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, prêtre de Madian ; il l’emmena par-delà le désert et parvint à la montagne de Dieu, l’Horeb » (Ex 3,1). L’idée que le pâtre Moïse ait parcouru trois cent kilomètres en contournant le golfe d’Akaba pour mener son petit bétail au mont Sinaï égyptien est aberrante.

Malgré quelques imprécisions ici et là, le repérage topographique point par point de l’itinéraire biblique ne laisse guère d’incertitude sur la localisation madianite du Sinaï biblique. On compte parmi les révisionnistes qui l’admettent aussi bien des savants qui appliquent à la Bible les critères de la recherche historique, que des explorateurs amateurs motivés par un respect religieux du Texte sacré. Le pionnier fut l’explorateur Charles Beke, dont les conclusions, synthétisées dans son recueil posthume Sinai in Arabia and of Midian (1878), furent confirmées en 1910 par le Tchèque Alois Musil, lequel inspira à son tour de nombreux autres savants de tous pays. La thèse a aujourd’hui l’approbation d’une grande partie de la communauté académique, y compris de spécialistes renommés comme Hershel Shanks, éditeur de la Biblical Archaeology Review, ou Frank Moore Cross, professeur d’hébreu à Harvard. Elle a été par ailleurs vulgarisée, avec un peu trop de sensationnalisme, par des aventuriers comme Bob Cornuke et Larry Williams, auteurs de livres à succès [4] et de films documentaires [5].

Où précisément, dans le Pays de Madian, doit-on chercher le mont Horeb ? Les phénomènes qui accompagnent la réception du Décalogue par Moïse fournissent un indice :

« dès le matin, il y eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, ainsi qu’un très puissant son de trompe et, dans le camp, tout le monde trembla. Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de Dieu, et ils se tinrent au bas de la montagne. Or la montagne du Sinaï était toute fumante, parce que Yahvé y était descendu dans le feu ; la fumée s’en élevait comme d’une fournaise et toute la montagne tremblait violemment. Le son de trompe allait en s’amplifiant ; Moïse parlait et Dieu lui répondait dans le tonnerre » (Ex 19,16-19).

Si le mont Horeb/Sinaï gronde comme un volcan, tremble comme un volcan et fume comme un volcan, c’est que c’est un volcan. Or, Madian est une zone volcanique, contrairement au Sinaï égyptien. C’est l’un des arguments mis en avant par Charles Beke dès 1873, dans Mount Sinai a Volcano. L’activité volcanique dans la région est faible depuis la période historique ; on est renseigné sur une éruption violente en 640 et une autre en 1256 dans la région de Médine [6]. Mais les descriptions bibliques ne supposent justement qu’une activité faible : le volcan sacré ne crache pas de lave incandescente, et Moïse peut se tenir au sommet.

Deux candidats ont été retenus : le mont Jabal al-Lawz, tout d’abord. C’est vers ce pic impressionnant s’élevant à 2 580 mètres que vous dirigera aujourd’hui Google Map si vous entrez « Mount Horeb in Arabia ». Son sommet est constitué de roches métamorphiques typiques de l’activité volcanique de la région. L’autre candidat est Hala el-Badr, un volcan conique culminant à 1 692 mètres, qui a eu la préférence de l’hébraïsant français Jean Koenig (« Le Sinaï, montagne de feu dans un désert de ténèbres », 1965) [7] et d’autres savants à sa suite.

 

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Le mont Jabal al-Lawz

 

Jéthro, prêtre madianite et père spirituel de Moïse

Si, comme le répète la Bible, Yahvé « est venu du Sinaï » (Dt 33,2 et Ps 68,18), on comprend l’importance d’identifier le vrai Sinaï pour déterminer les conditions d’apparition du yahvisme hébraïque. Plus important que la géographie est le rôle attribué au prêtre madianite qui fut pour Moïse non seulement un beau-père, mais un père d’adoption et un mentor. Il est nommé d’abord Réuel (Ex 2,18), puis Jéthro (Ex 3,1), et encore « Hohab, fils de Réuel le Madianite » (Nb 10,29). Il a sept filles et, devine-t-on, pas de fils. « Moïse consentit à s’établir auprès de cet homme qui lui donna sa fille Çippora. Elle mit au monde un fils qu’il nomma Gershom » (Ex 2,21-22). Il est question plus loin d’un second fils nommé Éliézer (Ex 18,4). Il n’est pas précisé combien de temps Moïse resta auprès de Jéthro. La tradition musulmane veut qu’il soit resté huit ans avant d’épouser sa fille, et la tradition chrétienne dit qu’il servit son beau-père pour une durée totale de quarante ans (Actes 7,30).

C’est au mont Horeb que Moïse fit la connaissance de Yahvé, et ce dernier affirme qu’il ne s’était encore jamais révélé aux Israélites sous ce nom. C’est une donnée très significative car, comme le dit le bibliste Karl Budde, convaincu des origines madianites du yahvisme, « le nom définit la personne, non seulement chez les humains mais aussi chez les dieux […]. Si donc le nom est nouveau, le dieu lui-même est nouveau [8]. » Si les Hébreux ignoraient le nom de Yahvé, c’est que Yahvé n’était pas leur dieu.

Yahvé, certes, affirme qu’il était déjà, sous d’autres noms, le dieu d’Abraham. Or d’après Genèse 25,2-4, les Madianites sont précisément des descendants d’Abraham par sa femme Kétura (épousée après la mort de Sara). Ce sont donc des héritiers de l’alliance abrahamique, tout comme les Ismaélites, descendants d’Abraham par sa servante Agar. Madianites et Ismaélites sont d’ailleurs confondus en Genèse 37, lorsqu’il est dit que Joseph fut vendu par des Madianites à des Ismaélites qui le revendirent en Égypte (Gn 37,28), puis que « les Madianites avaient vendu Joseph en Égypte » (37,36).

Rien n’empêche donc d’interpréter la narration biblique comme recouvrant une tradition selon laquelle Yahvé était connu des Madianites avant d’être connu de Moïse et des Hébreux. La narration suggère que le mont Horeb était déjà un lieu sacré lorsque Moïse y rencontra Yahvé : « N’approche pas d’ici, retire tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte » (Ex 3,5). Les historiens grecs et arabes nous apprennent que les Arabes préislamiques adoraient non seulement des montagnes, mais des pierres ; la pierre noire de la Ka’ba est un héritage de ces anciens cultes, mais ce pourrait être aussi le cas des tables de pierres gravées et descendues par Moïse du mont Horeb, que les Hébreux vénérèrent et transportèrent dans l’Arche d’Alliance.

Par ailleurs, la simple considération de la hiérarchie sociale entre Jéthro et son gendre Moïse (Moïse « se prosterna » devant son beau-père en Ex 18,7) suggère que c’est le prêtre Jéthro qui a initié Moïse au culte madianite. C’est en tout cas Jéthro, et non Moïse ou Aaron, qui offre « un holocauste et des sacrifices » à Yahvé, au retour des Hébreux d’Égypte, après quoi « Aaron et tous les anciens d’Israël vinrent manger avec le beau-père de Moïse en présence de Dieu » (18,11-12).

La Bible insiste tellement sur l’idée qu’épouser une femme — surtout une femme madianite, voir Nb 25 —, c’est adopter son culte (la justification principale de l’interdiction de l’exogamie en Dt 7,3-4), qu’il n’est pas incongru de l’appliquer à Moïse. D’ailleurs, c’est sa femme madianite qui, un jour, apaise la colère de Yahvé contre lui en circoncisant leur fils : « Et ce fut en route, à la halte de la nuit, que Yahvé vint à sa rencontre et chercha à le faire mourir. Çippora prit un silex, coupa le prépuce de son fils […]. Et Il [Yahvé] se retira de lui » (Ex 4,24-26) [9]. Cela suggère que les Hébreux ont appris la circoncision en Arabie et non en Égypte comme on le suppose généralement (la circoncision n’étant pratiquée en Égypte que sur les adolescents, et non sur les nourrissons de huit jours comme l’impose Yahvé à Abraham en Gn 17,9-14) [10].

 

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Jéthro et Moïse sous la tente à Hollywood

 

L’Arabie, point de départ de la conquête de Canaan

Moïse est un prophète inspiré qui reçoit instructions et législations directement de Yahvé sur la montagne sacrée, sans l’intermédiaire de Jéthro, dira-t-on (« Moïse monta vers Dieu. Yahvé l’appela de la montagne » (Ex 19,3). Et cependant, du récit suivant, il ressort que Jéthro est le concepteur de la première Constitution politique des Israélites. Moïse se sentant dépassé par la tâche de gouverner un peuple trop nombreux, Jéthro lui dit :

« Maintenant, écoute le conseil que je vais te donner pour que Dieu soit avec toi. Tiens-toi à la place du peuple devant Dieu, et introduis toi-même leurs causes auprès de Dieu. Instruis-les des décrets et des lois, fais-leur connaître la voie à suivre et la conduite à tenir. Mais choisis-toi parmi tout le peuple des hommes capables, craignant Dieu, sûrs, incorruptibles, et établis-les sur eux comme chefs de milliers, chefs de centaines, chefs de cinquantaines et chefs de dizaines. Ils jugeront le peuple en tout temps. […] Si tu fais cela et que Dieu te l’ordonne tu pourras tenir et tout ce peuple, de son côté, pourra rentrer en paix chez lui. Moïse suivit le conseil de son beau-père et fit tout ce qu’il avait dit » (Ex 18,19-24)

C’est ainsi qu’est apparu l’institution des Juges, sur le conseil de Jéthro, qui s’exprime avec l’autorité d’un prêtre de Yahvé.

N’allons pas jusqu’à conclure que la religion des Hébreux est tout entière celle des Madianites. Elle en est plutôt une forme nouvelle, et la nouveauté incombe à Moïse. Ce qu’il apporta de nouveau à Yahvé, c’est d’abord la mobilité. Le Yahvé madianite est une divinité topique, inséparable et presque indiscernable de sa montagne sacrée, le mont Horeb. Au moment du départ, Yahvé dit à Moïse qu’il ne montera pas avec le peuple, mais enverra son ange (malach, soit « messager ») :

« Voici que je vais envoyer un ange devant toi, pour qu’il veille sur toi en chemin et te mène au lieu que je t’ai fixé. Révère-le et écoute sa voix, ne lui sois pas rebelle, il ne pardonnerait pas vos transgressions car mon Nom est en lui » (Ex 23,20-21).

Yahvé lui-même ne peut quitter le mont Horeb. Cependant, deux chapitres plus loin, il semble avoir changé d’avis et demande à Moïse de lui faire confectionner une tente luxueuse, plaquée d’or (de l’or volé aux Égyptiens), dont il lui fournit le cahier des charges détaillé en sept chapitres (livres 25 à 31). Désormais, c’est dans cette « Tente du Rendez-vous » (ou Tabernacle) que résidera Yahvé et que Moïse, seul autorisé à y pénétrer avec son protégé Josué, pourra lui parler « face à face, comme un homme parle à son ami » (Ex 33,11). Voilà, peut-on conjecturer à partir d’une exégèse bien peu radicale, la véritable révolution de Moïse, et le premier pas vers la transformation de cette divinité volcanique du désert en Dieu universel : c’est Moïse qui a délocalisé Yahvé dans une tente, bien avant qu’il soit finalement installé sur un trône à Jérusalem.

Le récit biblique permet en fait de distinguer clairement deux étapes dans l’histoire des Israélites et de leur alliance avec Yahvé. Dans un premier temps, Yahvé ordonne à Moïse de les ramener d’Égypte au Sinaï, près de lui : « Quand tu feras sortir le peuple d’Égypte, vous servirez Dieu sur cette montagne » (Ex 3,12). À ce stade, Yahvé ne dit mot d’un projet de conquête de Canaan. Moïse doit simplement déclarer aux Israélites qu’il est envoyé par « le dieu de vos pères [11] » (Ex 3,16) pour les guider vers Madian. L’implication est bien que les aïeux des Israélites sont originaires de Madian où réside Yahvé. Ce n’est que deux ans après leur installation à Madian que Moïse reçoit l’ordre de les conduire vers Canaan. Pour les convaincre d’obéir à cette injonction, Moïse/Yahvé rappelle aux Israélites comment il les a déjà victorieusement fait sortir d’Égypte (20,1 ; 20,22). Mais il est difficile de résister à l’hypothèse que la motivation concrète de cette migration massive (603 550 mâles de plus de vingt ans sans compter les Lévites, selon Nb 1,44, soit deux millions de personnes au bas mot, estimation sans doute exagérée) fut tout simplement l’insuffisance des ressources naturelles de Madian pour ce soudain afflux de population. C’est à cette époque que Canaan devient la Terre promise, et c’est bien plus tard encore, par rétroprojection, qu’on la prétendra déjà promise à Abraham.

 

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À l’ouest du Jabal al-Lawz, le rocher présenté par certains comme celui qu’aurait frappé Moïse pour en faire jaillir de l’eau à Cadès (Nb 20,11).

 

Les peuples arabes cités dans la Bible

Dans le Livre des Juges, le beau-père de Moïse est désigné comme un Qénite plutôt que comme un Madianite, et l’on apprend que son clan s’allia « avec les fils de Juda jusqu’au désert de Juda qui est dans le Néguev d’Arad, et ils vinrent habiter avec le peuple » (Jg 1,16). Les Qénites semblent former une tribu madianite particulière. Leur nom (Qayin) est identique au nom de Caïn, et des érudits ont émis l’hypothèse que l’histoire de Caïn et Abel a été empruntée aux Qénites, chez qui elle servait de légende étiologique expliquant leur mode de vie errant par une malédiction consécutive à la faute d’un ancêtre [12]. Les Qénites sont toujours évoqués avec bienveillance dans la Bible, et bénis en Nb 24,21. En 1Samuel 15,6, Saül veut les épargner lorsqu’il extermine les Amalécites chez qui ils se sont installés, car, leur dit-il, « vous avez été bienveillants à tous les Israélites quand ils montaient d’Égypte ».

À l’exception des Qénites, les Madianites sont présentés négativement à partir du début de la conquête de Canaan. En Juges 6, ils s’opposent aux Israélites et s’associent aux Amalécites, lesquels « occupent la région du Néguev » selon Nb 13,29. Les Madianites sont aussi parfois associés, et presque confondus, avec les Moabites. Lorsque les Israélites « s’en allèrent camper dans les Steppes de Moab », la dernière région semi-désertique avant la terre fertile de Canaan, le roi Moabite s’inquiéta de « cette multitude en train de tout brouter autour de nous », et s’entendit avec les Madianites pour les repousser (Nb 22,1-7). Mais ce sont les Madianites qui sont massacrés par les Israélites, Moïse les ayant tenus responsables du fait que « les filles de Moab » aient invité les Israélites « aux sacrifices de leurs dieux » (25,1-2). Hommes, femmes et enfants sont tués, à l’exception de 32 000 « petites filles qui n’ont pas partagé la couche d’un homme » (Nb 31,1-47).

Le Pays de Moab, tout comme celui de Madian, est mal distingué de celui d’Édom (Idumée), dont les frontières sont changeantes et peuvent s’étendre du Néguev au golfe d’Akaba. Or, plusieurs textes bibliques, que l’on tient pour archaïques, font venir Yahvé d’Édom : on lit en Juges 5,4-5 « Yahvé, quand tu sortis de Séïr, quand tu t’avanças des campagnes d’Édom… » ; Habakuk 3,3 nous dit que « Dieu (Eloha) vient de Témân », et Témân est un Édomite en Gn 36 ; enfin Isaïe 63,1 dit également que Yahvé « vient d’Édom ». Selon la Bible, les Édomites sont les descendants d’Ésaü, le fils d’Isaac dépouillé de son droit d’aînesse par Jacob, ce qui peut encore se décrypter comme l’indice qu’ils connaissaient Yahvé avant les Israélites, c’est-à-dire que Yahvé était un dieu édomite avant d’être un dieu israélite. C’est ce que pense Thomas Römer, qui fait remarquer que la Bible condamne les dieux nationaux de nombreuses nations (par exemple ceux des femmes de Salomon), mais jamais celui des Édomites.

Il existe une grande imprécision dans les distinctions entre tous les peuples cités plus haut — Madianites, Qénites, Moabites, Édomites, Amalécites (Flavius Josèphe assimile ces derniers aux Arabes d’Idumée). Tous occupent les régions arides ou désertiques au sud de la Judée. Bien que ni l’agriculture ni les carrefours semi-urbains ne soient absents de leur mode de vie, ce sont essentiellement des peuples nomades ou semi-nomades. C’est de cette aire géographique que provient le culte de Yahvé, transformé en divinité guerrière et conquérante par Moïse. Ce qui est particulièrement significatif, c’est que la Bible rattache généalogiquement la plupart de ces peuples à Abraham, et en fait donc des cousins des Israélites : Moab est le neveu d’Abraham, né des filles de Lot avec leur père (Gn 19,31-38), Madian est son fils par sa seconde femme Kétura (Gn 25,2-4), Édom/Ésaü est son petit-fils (Gn 25,25), et Amaleq le petit-fils de ce dernier (Gn 36,12). C’est la preuve que les Israélites se reconnaissent comme appartenant au même groupe ethnique : « Tu ne considéreras pas l’Édomite comme abominable, car c’est ton frère », précise Dt 23,8. Il a été établi que la langue de Moab était presque identique à l’hébreu.

Terminons par les Rékabites (ou Réchabites), un clan judéen que la Bible (2Rois 10,15) associe au massacre de la famille du roi d’Israël Achab. Le prophète Jérémie les prend en exemple pour leur fidélité à la parole divine :

« Nous ne buvons pas de vin, car notre ancêtre Yonadab, fils de Rékab, nous a donné cet ordre : “Vous ne boirez jamais de vin, ni vous, ni vos fils ; de même vous ne devez pas bâtir de maison, ni faire de semailles, ni planter de vigne, ni posséder rien de tout cela ; mais c’est sous des tentes que vous habiterez toute votre vie, afin de vivre de longs jours sur le sol où vous séjournez [dans laquelle vous êtes étrangers, selon une autre traduction possible]” » (Jérémie 35,6-7).

Le Livre de Jérémie ajoute que ces Rékabites se seraient réfugiés à Jérusalem pour échapper aux Babyloniens. Mais ils semblent plutôt originaires d’Arabie : le missionnaire anglican Joseph Wolff découvrit en 1836, près de La Mecque, une tribu arabe dont les membres « ne boivent pas de vin, ne plantent pas de vigne, ne sèment pas de semence, vivent sous des tentes et font mémoire du bon vieux Jonadab fils de Réchab ». Ils lisent l’hébreu et sont considérés comme les descendants des Juifs de Khaïbar qui combattirent Muhammad [13].

À l’époque de Muhammad, au début du VIIe siècle, de puissantes tribus juives vivaient dans le Hedjaz. Nous ne savons rien sur la nature de leur judaïsme. Selon la tradition islamique, ils se considéraient comme installés depuis l’époque de Moïse ; ils seraient restés sur les terres des Amalécites après les avoir exterminés sur l’ordre de Moïse [14]. Les historiens croient plutôt qu’ils ont émigré de Palestine après la destruction de Jérusalem en l’an 70. Mais cette hypothèse se heurte au fait, souligné par l’orientaliste David Samuel Margoliouth, qu’ils portent des noms arabes et sont organisés en tribus portant les noms d’ancêtres arabes [15] .

On ne sait pas à quelle période remonte la présence juive en Arabie : mais on admet que le roi d’Himyar au Yémen, à la tête d’un empire qui contrôle l’Arabie méridionale dès le début de notre ère, se convertit au judaïsme en 380 (certains spécialistes préfèrent parler d’un « monothéisme judaïsant [16] »). Au VIe siècle, Juifs et chrétiens se disputent le pouvoir dans le royaume d’Himyar. Le dernier roi juif, Yusuf Dhu Nuwas, déclenche un grand massacre des chrétiens, mais tombe à son tour lorsque le roi éthiopien chrétien envahit le Yémen, puis force les Juifs à se convertir ou à quitter le royaume. L’origine de ce judaïsme yéménite est mystérieuse, mais devient mieux compréhensible si l’on admet l’origine arabe des Hébreux.

 

La matrice tribale du yahvisme

Le yahvisme mosaïque, embryon du judaïsme, est profondément marqué par son milieu d’origine en Arabie. Il est la religion d’une confédération instable de tribus proto-arabes, fuyant des conditions d’existence rendues insupportables par le climat et la démographie (après avoir fui un statut de parias exploités en Égypte), et se lançant à l’assaut du Croissant fertile, avec l’objectif avoué d’en exproprier ses habitants :

« Lorsque Yahvé ton Dieu t’aura conduit au pays qu’il a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de te donner, aux villes grandes et prospères que tu n’as pas bâties, aux maisons pleines de toutes sortes de biens, maisons que tu n’as pas remplies, aux puits que tu n’as pas creusés, aux vignes et aux oliviers que tu n’as pas plantés, lors donc que tu auras mangé et que tu te seras rassasié, garde-toi d’oublier Yahvé qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude » (Dt 6,10-12 ).

Le pays de Canaan, en effet, est à cette époque un pays prospère, de culture, de langue et de religion très différentes de celles d’Arabie. Selon le rapport des chefs tribaux envoyés par Moïse en reconnaissance, il « ruisselle de lait et de miel […]. Toutefois, le peuple qui l’habite est puissant ; les villes sont fortifiées, très grandes » (Nb 13,27-28). Ceux que la Bible présentent comme d’abominables idolâtres forment en réalité une civilisation technologiquement et culturellement avancée, qui a dépassé le stade tribal pour s’organiser en cités-États, tout en peinant à maintenir son indépendance entre l’Égypte et la Mésopotamie. Son polythéisme est caractéristique des sociétés très diversifiées, et compatible avec les panthéons de ses puissants voisins, la traductibilité des dieux étant un aspect central de la diplomatie et du commerce [17].

Cependant, il faut tenir compte de la présence en Palestine, avant l’arrivée des Hébreux, de langues sémitiques comme le Cananéen. Margoliouth, qui considère que l’Arabie est le berceau des langues sémitiques, estime donc que la conquête de Canaan racontée dans la Bible n’était pas la première installation massive d’Arabes. Ce ne serait pas non plus la dernière, et la conquête musulmane du VIIe siècle offre plus d’un point de comparaison. L’Arabie a été le point de départ de nombreuses vagues de migration et de conquête ; mais, que l’on sache, elle n’a jamais été conquise ou colonisée par un peuple étranger. Cela fait des Arabes d’Arabie (principalement Bédouins) sans doute l’un des groupes ethniques les moins métissés. Du point de vue de la psychologie jungienne ou de la psycholologie transgénérationnelle, cela signifie une surdétermination culturelle [18].

 

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Le Croissant fertile

 

L’origine arabe du yahvisme explique pourquoi le tribalisme et le nomadisme sont si profondément enracinés dans le judaïsme ou, si l’on préfère, dans la judéité. Certes, le judaïsme est le fruit d’une évolution millénaire postérieure à Moïse ; mais qui contesterait que le mosaïsme, supposément préservé dans la Torah, en demeure la principale racine nourricière ? La mentalité tribale nomade est enracinée dans le sang plutôt que dans la terre, et c’est pourquoi ces peuples pratiquent une endogamie farouche, tout en considérant volontiers les femmes nubiles comme un butin appréciable [19].

Les États développés et urbanisés de l’ancien monde abritent des polythéismes bien fournis, qui sont la manifestation religieuse de la diversité qui les compose ; en plus des divinités nationales, chaque corporation a sa divinité ou son héros, et toutes coexistent dans la Cité. Ce polythéisme est contrebalancé, sur le plan philosophique ou parfois politique, par l’idée d’un Dieu suprême qui gouverne ou englobe l’ensemble des divinités ; l’idée d’un Grand Esprit de l’Univers vient naturellement à l’homme qui est capable de concevoir l’unité organique de l’Univers, et qui croit simultanément que chaque être intelligent a une âme. Mais les tribus nomades, qui sont relativement autarciques, n’adorent souvent qu’un seul dieu, et les rapports de clientèles qu’elles entretiennent peuvent amener une tribu puissante à affirmer, non seulement que son dieu est le plus puissant, mais qu’il est le seul véritable : c’est le chemin qui a mené au monothéisme exclusif de la Bible. Il en est découlé une ambivalence inhérente au Dieu juif, qui est tribal dans son caractère mais universel dans sa prétention.

 

Les Hébreux, des bergers habirou

On connaît la thèse émise par Sigmund Freud dans son livre Moïse et le monothéisme, publié peu avant sa mort en 1939, qui fait remonter le monothéisme biblique au culte exclusif du dieu solaire Aton, qu’Akhenaton avait vainement tenté d’imposer en Égypte au 14ème siècle avant notre ère. Ce livre continue de susciter un intérêt mérité (lire l’excellent Moïse l’Égyptien de Jan Assmann) [20], mais son hypothèse centrale est totalement abandonnée, pour des raisons de chronologie mais aussi parce que Yahvé n’a aucun des attributs solaires d’Aton ; Yahvé est si peu un dieu solaire qu’il n’accroche le Soleil dans le ciel que trois jours et trois nuits après avoir décrété « que la lumière soit » (Gn 1,3-19). En dépit de quelques emprunts possibles, on ne peut imaginer de traditions religieuses plus fondamentalement opposées que celles d’Égypte et d’Israël : alors que l’Égypte est la civilisation la plus portée sur l’espérance d’une vie après la mort, l’hébraïsme biblique est la seule religion connue qui rejette catégoriquement cette idée [21].

Les Égyptiens éprouvaient un mépris mêlé de crainte pour les peuples nomades de l’Est qui empiétaient fréquemment sur leurs terres, à la recherche de pâturages, et pratiquaient occasionnellement la razzia comme une forme d’économie parallèle. Cette hostilité est évoquée à propos de la tribu de Jacob s’installant dans la région orientale de Goshen : « Ces gens sont des bergers, […] et les Égyptiens ont tous les bergers en horreur » (Gn 46,32-34).

Les Égyptiens associent ces peuples nomades au méchant dieu Seth, le dieu du désert, de la sécheresse et de la famille, l’ennemi mortel d’Osiris et Isis, divinités des cultivateurs de la vallée du Nil. Les Moabites sont d’ailleurs nommés les « fils de Seth » en Nombres 24,17. Selon l’historien grec du 1er siècle Plutarque, les Égyptiens considéraient également les Juifs comme des fils de Seth : on racontait qu’après avoir été chassé d’Égypte par les autres dieux, Seth aurait erré en Palestine où il aurait engendré deux fils, Hierosolymos et Youdaios, soit Jérusalem et Juda. De cette tradition dérive la rumeur mentionnée par Tacite et Flavius Josèphe, selon laquelle les Juifs adoraient dans leur Temple une tête d’âne en or, l’âne étant le symbole de Seth [22].

Les tablettes d’Amarna découvertes en Égypte ont apporté une grande lumière sur la pression exercée, au 14e siècle avant notre ère, par les peuples nomades d’Arabie sur les grandes civilisations dont ils étaient exclus. Il s’agit d’archives royales du roi égyptien, écrites en langue et écriture babyloniennes. Parmi elles se trouve des lettres émanant des rois des cités cananéennes, dont sept du roi de Jerusalem, implorant l’aide de leur suzerain égyptien contre les pasteurs nomades nommés Shasou ou Habirou, qui envahissent le pays. Les spécialistes ont reconnu dans ce dernier terme l’origine du nom donné aux « Hébreux » [23].

Dans la Bible, les Israélites ne sont appelés « Hébreux » que par les Égyptiens et les Philistins. En 1Samuel, ce sont les Philistins qui utilisent ce terme (8 fois), et en Exode, ce sont les Égyptiens (14 fois) ; Yahvé, habituellement désigné comme « le dieu d’Israël », est présenté à Pharaon comme « le dieu des Hébreux » (Ex 7,16). Mais le même terme habirou est employé avec le sens vulgaire de « brigands » en Isaïe 1,23 et Osée 6,9 [24]. Le fait que les envahisseurs conduits par Moïse et Josué soient désignés comme des Hébreux/Habirou par leurs voisins tend à confirmer qu’ils sont considérés comme originaires des déserts d’Arabie ou de Transjordanie.

À ce propos, il est important de noter que le nom d’ « Israélites » (littéralement « fils d’Israël »), que leur donne la Bible, et que j’ai reproduit par convention, est anachronique. L’archéologie a démontré que le royaume d’Israël n’a pas été fondé par des migrants, mais est autochtone. Ce n’est qu’après la destruction du royaume d’Israël par l’Assyrie au 8e siècle av. J.-C. que son petit voisin pauvre du sud, la Judée, capte l’héritage et le nom d’Israël, et cette usurpation ne sera achevée que par le retour des exilés judéens de Babylone, sous Esdras. Seule la Judée, et en partie seulement, peut être considérée comme ayant été soumise par les tribus d’Habirou de Moïse, qui y imposèrent progressivement le culte exclusif de Yahvé, avant de l’exporter au Royaume du Nord (Israël), en fusionnant Yahvé avec le dieu suprême El (qui signifie simplement Dieu).

 

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Les tablettes d’Armana

 

Jusqu’à quel point l’histoire biblique est-elle arabe ?

À tout ce qui a été dit précédemment, il faut ajouter l’aspect linguistique : selon l’orientaliste Margoliouth déjà cité, l’origine arabe des Hébreux est cohérente avec le fait que de nombreux mots hébreux dérivent de mot arabes, et que des noms propres hébreux contiennent encore trace de divinités attestées dans l’Arabie du Sud préislamique. Même le nom de Yahvé, selon lui, dérive forcément de l’arabe [25].

Au vu de tout cela, il est raisonnable de supposer que les tribus réfugiées en Égypte, puis exploitées à de « durs travaux », puis libérées par Moïse sur la demande du dieu madianite Yahvé, puis installées à Madian avant de se lancer à l’assaut de Canaan, sont, depuis l’origine, originaire d’Arabie, et non de Syrie-Palestine comme le prétend l’histoire de Jacob et ses fils dans la Genèse.

Pour comprendre l’origine historique du yahvisme, il faut en effet faire le tri dans la Torah entre ce qui relève du légendaire et ce qui présente un caractère historique crédible. On accorde peu de crédit aux derniers chapitres de la Genèse (37-50), qui racontent comment la tribu de Jacob migra de Canaan en Égypte après qu’un de ses membres, Joseph, y soit devenu Premier ministre. Ce récit appartient au même genre romanesque que les histoires de Tobie, d’Esther et de Daniel, qui datent d’une période post-exilique, probablement hellénistique. Toutes ont pour héros des « Juifs de cour » parvenus à des positions d’influence auprès des rois, et qui jouent de leur influence au profit de leur communauté et aux dépens des autochtones [26]. Le Joseph biblique ressemble d’ailleurs étrangement à un autre Joseph vivant à l’époque hellénistique, qui, lui aussi, aurait obtenu du pharaon le poste de fermier général et rempli les caisses royales en ruinant des citoyens égyptiens ; lui aussi serait devenu extrêmement riche et en aurait fait profiter ses coreligionnaires, pour la gloire de Yahvé (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques XII,4).

 

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Joseph, prototype de l’agioteur et du juif de cour

 

La situation est différente pour le récit biblique de l’Exode, dont le scénario apparaît, au regard des connaissances historiques, comme vraisemblable dans ses grandes lignes. Contrairement au thème de l’installation d’Abraham à Canaan, celui de la sortie d’Égypte est déjà présent chez les prophètes préexiliques comme Amos : Yahvé est le dieu qui « a fait monter Israël du pays d’Égypte » (9,7). Cette affirmation, répétée une vingtaine de fois dans la Torah, constitue le socle de l’Alliance, et n’est guère suspecte...

… à moins de prêter l’oreille à une autre thèse révisionniste, selon laquelle la traduction du nom hébreu Misrayim par « Égypte », imputable aux traducteurs de la Bible grecque (les « Septante », missionnés par le Grec Ptolémée, conquérant de l’Égypte), serait arbitraire et erronée. Selon certains auteurs, Mizrayim désignerait plutôt une région d’Arabie méridionale. Quant au mot pharaon (par’oh en hébreu), qui pose problème depuis toujours car il est inconnu des textes égyptiens, ce serait en fait un mot arabe (Far’a). C’est un fait qu’à part le roman de Joseph, rien dans la Bible ne permet d’affirmer que Mizrayim désigne l’Égypte (les scribes bibliques ne connaissent pas les pyramides, par exemple). Rien ne permet non plus d’identifier formellement les eaux traversées par les Israélites à la mer Rouge, comme le fait la Bible des Septante ; ces eaux sont simplement désignées en hébreu (23 fois dans la Torah) comme la « mer des Joncs » ou « des Roseaux », ce qui suggère plutôt une étendue d’eau douce, que Yahvé aurait simplement « asséchée » devant les Hébreux, selon Josué 2,10 [27]. Je ne mentionne cette controverse que pour illustrer l’étendue des incertitudes qui pèsent sur la géographie biblique. On pourra aussi consulter l’ouvrage de Kamal Salibi, professeur d’histoire et d’archéologie à Beyrouth, La Bible est née en Arabie (Grasset & Fasquelle, 1986), qui relocalise en Arabie occidentale tous les toponymes bibliques et par conséquent toute l’histoire biblique, d’Abraham à Salomon en passant par Moïse. La tradition islamique elle-même fait d’Abraham (Ibrahim) le fondateur du sanctuaire de La Mecque, et affirme, contre la tradition israélite, qu’il n’a pas envoyé ses descendants (son premier fils Ismaël, celui qui a été offert à Allah, selon le Coran) en Arabie, mais qu’il les y a simplement laissés, et qu’il y est mort lui-même.

 

Un joker pour l’Arabie saoudite ?

On peut se demander ce que les Saoud, dont les ambitions géostratégiques transparaissent à travers leur implication en Syrie et au Yémen, comptent faire de la découverte scientifique majeure — bien qu’encore relativement confidentielle — de la localisation du mont Horeb dans leur pays. Posséder à la fois la Mecque et le Sinaï n’est peut-être pas aussi rentable que le pétrole, mais c’est tout de même un sacré capital ! On sait que certains princes saoudiens s’intéressent au Jabal al-Lawz et aux étonnants vestiges qui l’entourent. Mais aucune fouille officielle n’a pour l’instant été entreprise. Les autorités se contentent d’interdire l’accès aux aventuriers attirés par le site.

Quant aux Israéliens, qui s’étaient livrés inutilement à une intense activité archéologique durant leur occupation du Sinaï égyptien entre 1967 et 1982, que pensent-ils de tout cela ? Si l’on part du principe que le sionisme est le projet biblique — c’est à mon avis sa plus simple définition —, on peut s’interroger sur le rôle possible de cette nouvelle carte dans l’évolution des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Le mont Horeb pourrait bien constituer prochainement un enjeu dans la guerre des lieux saints au Moyen-Orient. Où tout au moins une destination touristique, lorsque l’Arabie saoudite aura ouvert ses frontières aux Israéliens.

Bien malin qui peut percer à jour les sombres magouilles auxquelles se livrent Israël et l’Arabie saoudite, jadis ennemis déclarés, aujourd’hui engagés dans une diplomatie secrète à la recherche d’un intérêt commun, aux dépens de l’Iran et de ses alliés. Une certaine fraternité semble se dessiner entre ces deux pays. Le wahhabisme n’a-t-il d’ailleurs pas quelque ressemblance avec le yahvisme mosaïque, comme si Yahvé avait gardé un pied-à-terre à Madian ?

 

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L’interdiction d’accès au site du mont Jabal al-Lawz

Notes

[1] On peut lire les arguments de ceux qui défendent la localisation traditionnelle du mont Horeb dans l’article de Brad C. Sarks sur www.ldolphin.org/sinai.html et celui de Gordon Franz sur www.biblearchaeology.org/pos...

[2] On peut lire les arguments de ceux qui défendent la localisation traditionnelle du mont Horeb dans l’article de Brad C. Sarks sur www.ldolphin.org/sinai.html et celui de Gordon Franz sur www.biblearchaeology.org/pos...

[3] Thomas Römer, « Le dieu Yhwh : ses origines, ses cultes, sa transformation en dieu unique », conférences au Collège de France, 2011-2012, sur www.college-de-france.fr/

[4] Larry Williams, The Mountain of Moses, The Discovery of Mount Sinai, Wynwood Press, 1990, réédité sous le titre The Mount Sinai Myth ; Howard Blum The Gold of Exodus : The Discovery of the True Mount Sinai, Simon & Schuster, 1998, 1998.

[5] « The search for the real Mt Sinai » sur www.youtube.com/watch ?v=ROVv... ; « Search for Mt. Sinai - Mountain of Fire » sur www.youtube.com/watch ?v=tWQk...

[6] Colin Humphreys, The Miracles of Exodus : A Scientist’s Discovery of the Extraordinary Natural Causes of the Biblical Stories, HarperOne, 2003.

[7] Jean Koenig, « Le Sinaï, montagne de feu dans un désert de ténèbres », Revue de l’histoire des religions, 1965, vol. 167, n°2, pp. 129-155, sur www.persee.fr/doc/rhr_0035-1...

[8] Karl Budde, Religion of Israel to the Exile, Putnam’s Sons, 1899 (sur archive.org), p. 15.

[9] Note de la Bible de Jérusalem : « Récit d’interprétation difficile, qui met en rapport la circoncision […] avec un apaisement de Yahvé. »

[10] Lire mon article « Le calvaire des circoncis du huitième jour », sur www.egaliteetreconciliation....

[11] Selon Thomas Römer, ce serait un rédacteur ultérieur qui ajoute systématiquement, en 3,6 et 3,16 par exemple, « le dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ».

[12] Hyam Maccoby, L’Exécuteur sacré : Le sacrifice humain et le leg de la culpabilité, Le Cerf, 1999, p. 13-51 (20). Lire dans mon livre Du Yahvisme au sionisme, KontreKulture, 2017, p. 34-35.

[13] Journal of the Rev. Josepf Wolff in a Series of Letters to Sir Thomas Baring, 1839, p 389, en ligne sur Google livres.

[14] Gordon D. Newby, « Les Juifs d’Arabie à la naissance de l’islam », dans Histoire des relations entre juifs et musulmans, des origines à nos jours, dir. Abdelwahab Meddeb et Benjamin Stora, Albin Michel, 2013, p. 39-51 (p. 40).

[15] David Samuel Margoliouth, Relations Between Arabs and Israelites Prior to the Rise of Islam : The Schweich Lectures 1921, Oxford UP, 1924, sur archive.org

[16] Iwona Gajda, « Monothéisme en Arabie du Sud préislamique », Arabian Humanities, sur https://cy.revues.org/132

[17] Jan Assmann, Le Prix du monothéisme, Flammarion, 2007, p. 34-42, et Moïse l’Égyptien. Un essai d’histoire de la mémoire, Champs/Flammarion, 2003, p. 82-93.

[18] David Samuel Margoliouth, Relations Between Arabs and Israelites, op. cit.

[19] Yuri Slezkine, Le Siècle juif, La Découverte, 2009, p. 22-29.

[20] Jan Assmann, Moïse l’Égyptien. Un essai d’histoire de la mémoire, Champs/Flammarion, 2003.

[21] Mon article « Le mauvais génie du judaïsme. 1. du matérialisme biblique au racisme métaphysique », sur www.egaliteetreconciliation.... et ma conférence « De l’héroïsme grec au matérialisme juif » sur www.egaliteetreconciliation....

[22] Sur le dieu Seth, frère ennemi d’Osiris, lire Bojana Mojsov, Osiris, Flammarion, 2005, p. 15-36 ; Jan Assmann, notamment Mort et Au-delà dans l’Égypte ancienne, Rocher, 2003, p. 80-87.

[23] Karl Budde, Religion of Israel to the Exile, Putnam’s Sons, 1899, sur archive.org, p. 5-11.

[24] Niels Peter Lemche, The Israelites in History and Tradition, John Knox Press, 1998, p. 58-60.

[25] David Samuel Margoliouth, Relations Between Arabs and Israelites, op. cit.

[26] Lectures conseillées : Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée, Bayard, 2002 ; Mario Liverani, La Bible et l’invention de l’histoire, Bayard, 2008.

[27] Lire les articles eschatologiablog.wordpress.com/2017/05/15/document-exclusif-al-%C2%ADhijaz-terre-dorigine-dabraham-et-des-prophetes-israelites/ et eschatologiablog.wordpress.com/2016/11/19/larabie-saoudite-est-elle-la-terre-promise-des-juifs/

Sur ce sujet fondamental, par Laurent Guyénot,
chez Kontre Kulture

 
 






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  • Quel travail ! C’est rigoureux, intelligent, lumineux. Merci

     

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  • #1873171

    Ces contes et légendes du Proche-Orient sont en effet bien utiles à connaître pour comprendre le projet sioniste, toujours d’actualité, dont ils sont issus...

     

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  • #1874007

    A lire "The curse of Canaan" de Eustache Mullins

     

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  • #1874101

    Yahweh n’est pas un nom hébreu donné à une divinité juive, comment croient certains,mais juste l’attribut (qualité première) d’une divinité sémite ancienne et dont le sens se trouve aujourd’hui dans l’arabe (langue sémite sédentaire ancrée dans la région de naissance de la divinité et réceptacle naturel de toutes les langues parlées en Mésopotamie depuis 5000 ans) que dans l’hébreu, langue maintes fois perdue et ressuscitée par des peuplades non sémites converties au judaïsme et aux pratiques sémites et qui ont perdu les subtilités et les prononciations de la langue originelle. Les hébraïsants actuels ignorent le sens du verbe "HW" qui est à la racine de l’attribut "Yahweh" et de ce fait leur tentatives de traduction de "Yahweh" sont inexactes.

     

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  • #1874117

    C’est donc ça celui dont on ne peut pas prononcer le nom ? On comprend mieux pourquoi : un vulgaire caillou...
    Ils ont crucifié un type formidable et nous font "yech" depuis des lustres pour de la caillasse ?
    Et oui pour de la caillasse ou des briques si vous préférez.
    On vit une époque formidable.

     

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  • #1874181

    "Les Hébreux, des bergers habirou"...Je crois que pour les égyptiens l’appellation "Habirou" (3abirou avec la lettre 3ayn imprononçable en occident et remplacée par un H) était péjorative, et elle désignait tous les bédouins (terme plus juste que bergers) qui traversent la frontière et rentrent en Égypte (comme de nos jour les sans-papiers). le verbe qui a donné le vocable habirou est "3abara" qui veut dire "Traverser"...et les "3abirous" (sans-papiers) n’étaient pas tous d’une seule ethnie ou extraction. Au final le terme péjoratif 3abirou a fini par former une communauté assez homogène mais distincte des autochtones. et c’est dans le melting-pot 3abirous qu’a pris le "Yahvisme" qui n’était qu’une consolation face à la magnificence des pharaons d’où l’idée d’un Dieu supérieur aux Pharaons et qui favorise les 3abirous inférieurs quite à leur octroyer la terre d’un autre peuple (Canaan) en somme un dieu primitif et trivial dédié seulement aux besoins des 3abirous....on est encore loin du Dieu unique et universel

     

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    • « le verbe qui a donné le vocable habirou est "3abara" qui veut dire "Traverser »

      L’étymologie est une discipline prudente. Ici, plus qu’ailleurs, le ton devrait être à « la possibilité », à l’hypothèse... Jamais à l’affirmation comme vous faites. Par ailleurs, aucune indication n’est donné - le verbe qui a donné le vocable habirou est "3abara" qui veut dire "Traverser". Pour le lecteur et sympathisant E&R, 3abara, est un mot arabe ? Finlandais ? Belge ? Je me souviens des considérations étymologiques chez Nietzsche, un philologue des plus carnassiers : pour défendre entre autre sa dissertation, il partait d’un mot ou d’une racine, le mettait en italique, indiquait la langue et présentait le tout comme une hypothèse avec des interrogations... Le clou de sa démonstration spectaculaire : tout se terminait en désinvolture !

      Une tentative ici, sans mention, malheureusement, de l’akkadien : http://projetbabel.org/forum/viewto...

      Pour le reste, le sens historique nous amène à dire, avec les indications pertinentes de Douglas reed - merci E&R -, que les valeurs du ressentiment, de la vengeance et de tout ce qui va avec, apparaisse, par convention, en 458 av. J.-C. En Judée et non chez Isra El. Cette présentation de la confrontation entre Moïse et Pharaon où chacun fait le « petit rabbin de Judée » : mon Dieu est le plus fort et Il va te massacrer !, appartient à une présentation tardive, exclusivement juive. Moïse et Pharaon y sont dans la même dialectique de merde, animés des mêmes instincts... de Judée ! - Grecs et Berbères s’échangeaient des dieux, en Mésopotamie tous s’échangeaient les dieux, Alexandre le Grand a prié Amon en Égypte, l’aristocrate romain se disait catholique,... un exception dans cette odyssée : la Judée ! Sa grammaire de la haine - tant dans son polythéisme que dans son monothéisme tardif - , et là c’est un véritable problème, se trouve presque chez tous !

      Le Livre des Morts égyptien (dont les manuscrits furent trouvés dans les tombes des rois de 2600 av. J.-C., plus de deux mille ans avant que la « Loi » judaïque ne soit achevée) contient ce passage : « Tu es l’unique, le Dieu des tout premiers commencements du temps, l’héritier de l’immortalité, par toi seul engendré, tu t’es toi-même donné naissance ; tu a créé la terre et a fait l’homme. » Inversement, les Écritures produites dans la Juda des Lévites demandent, « Qui est comparable à toi, Ô Seigneur, parmi les Dieux ? » (l’Exode). Reed

       
  • #1874229

    L’image hollywoodienne montre Jéthro et Moïse sous la tente….Jethro est un prophète arabe, pour les arabes Jethro s’appelle Shoayb c’est-à-dire, celui qui montre le chemin, celui qui guide (peut-être à Moïse). Dans la bible Shoayb est désigné Jethro du fait de sa grande éloquence et sagesse.

     

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  • #1874493
    Le 6 janvier 2018 à 14:17 par Krétin d’orient
    Yahvé est un volcan d’Arabie : Moïse, le mont Horeb et les Madianites

    " traditions islamiques dont la valeur historique n’est plus dénigrée."

    Désolé, Mr Guyenot, les origines de l’islam et l’existence de son prophète sont de plus en plus contestées. Voir les travaux, entres autres , de Mrs Christopher Luxemberg, du frère Bruno Bonnet ou encore d’Etienne Couvert.

    N’en déplaise à certains, il reste à prouver l’existence de Médine et de La Mecque du temps du prophète par l’archéologie ou preuves documentaires attestées et datées en lieu et place aux affirmations non démontrées.

    L’évocation de Kamal Salibi et de son bouquin "La Bible est née en Arabie " est digne d’intérêt. Il me semble clair que les travaux de ce chercheur devraient être prolongés par des recherches archéologiques. L’on peut s’étonner de l’absence de volonté , ce qui semble démontrer que certains redoutent de devoir réviser la compréhension de la bible.

     

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    • #1875265

      La Mecque est mentionnée par Ptolémée, et le nom qu’il lui donne nous permet de l’identifier à une fondation sud-arabique, créé autour d’un sanctuaire.
      
Outre le témoignage de Claudius Ptolémée (90-168), l’on peut aussi faire référence aux écrits de l’historien grec Diodore de Sicile (premier siècle avant Jésus-Christ).

      Il existent des listes des épigraphes et graffitis retrouvés en Arabie datés du premier siècle hégirien... Il suffit de chercher.. et je ne parle pas d’archéologie mais des travaux académiques connus chez tout bon chercheurs qui se respecte..

      Des milliers de graffitis gravés sur les pierres sur les routes du pèlerinage que l’on date au début de l’islam (1er, 2ème siècle de l’hégire) en Arabie. Il s’agit souvent des invocations à Dieu, de formulations de l’unicité Divine, parfois des versets coraniques, et quelques mentions de prophètes dont le prophète Mohammed.
      D’après Thésaurus d’Épigraphie Islamique (2009) ont été retrouvés des graffitis datés entre l’an 1 et 100 H : parmi les 677 écrits relevés, Mohammed est mentionné 64 fois (%9), 12 au premier siècle et 52 au second. Dans la plupart des graffitis Mohammed est cité comme Abraham, Moïse, Jésus et d’autres prophètes.

      http://www.canalacademie.com/ida103...

       
    • #1875391

      Je me demande combien de tags avec le nom de Macron nous trouverons sur les murs de Paris dans quelques siècles..

       
  • #1883806
    Le 21 janvier 2018 à 11:02 par Poisson rouge
    Yahvé est un volcan d’Arabie : Moïse, le mont Horeb et les Madianites

    Je relis cet article, suite à la parution de "Du yahvisme à l’islamisme".

    Je m’aperçois que j’avais tout oublié - comme beaucoup de contenus Internet que je lis.
    Effectivement, comme proposé dans les commentaires de l’article cité en début de commentaire, l’implémentation d’une option de conversion en pdf de la page html serait sympa : on pourrait imprimer, avoir une lecture plus attentive et souligner, commenter pour soi-même, etc.

    Bon. M. Guyénot, magnifique travail, vous êtes un passeur de connaissances.

     

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  • #1883809
    Le 21 janvier 2018 à 11:07 par Poisson rouge
    Yahvé est un volcan d’Arabie : Moïse, le mont Horeb et les Madianites

    Merci à Laurent Guyénot, mais pour ses citations de sources, cette fois : elles sont aussi une mine insoupçonnée pour les gens curieux comme moi (je découvre le site du Collège de France, et je suis tout ébaubi), mais qui n’imaginent jamais combien l’Internet offre de contenus extrêmement intéressants.

    Merci encore, M. Guyénot et merci à E & R de lui offrir un tel espace d’expression.

     

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